samedi 23 mai 2020

Le pays des arts...

est peuplé de grands égos, marchands de peu de choses, bien éloignés d'une idée de la vie commune que les arbres nourrissent par les réseaux cachés de leurs racines. À vouloir tirer son épingle du jeu, on se pique le doigt, on s'endort à soi-même. Et puis? Quand cela devient la raison d'écrire ou de jouer du pipeau, la fatuité colle aux pages et aux voix. 
On reconnaît les grands égos, ils aiment ceux qui les couvrent de fleurs, et méprisent les autres. 
Non, ce n'est pas un cirque. Le cirque, lui, amuse les enfants.
Peut-être une déchetterie de sens, de causes et de valeurs.
Pourtant, la force de s'unir n'est pas un slogan creux, quand il ne s'agit pas d'unir des ignorances ou des militaires.
Il me plairait beaucoup que cette époque de souffle à retrouver s'inspire d'une camaraderie d'esprit, s'ouvre à l'échange, il me plairait qu'au pays des arts, l'autre créateur soit une espérance, et non un concurrent. Il me plaît de sentir vibrer l'urgence d'utiliser les épingles du jeu sur un métier commun, pour s'occuper à coudre du lien. Comme font les arbres d'une même forêt. Que le vent porte alors les paroles innombrables dans les rues. Que le propos soit devant l'homme, et l'art devant l'artiste. Que nous soyons frères et sœurs d'ombre, afin de laisser dans la lumière un essentiel qui nous dépasse. 

vendredi 13 mars 2020


Corona…


Mais de quoi tu as peur ?

De contaminer un vieil homme qui trouve qu’un été de plus, ce serait une belles poignée de cerises en cadeau sur les gâteaux déjà reçus.

De ne pas accueillir les enfants, au petit matin, pour la leçon du jour, et le poème qu’ils ont étudié, et qu’ils réciteront jusqu’aux 3 avril pour être prêts, parce qu’ils l’aiment bien, ce poème. Ils n’ont pas tout compris, mais ça parle de l’été. Le prochain, celui qu’un vieil homme voudrait vivre encore.

De ne pas aller rire à la taverne de Trooz avec des potes qui ont besoin de rire parce que ce début d’année, avec les deuils, et toute cette pluie, ça fait des rivières brunes, et grasses, on n’a de la boue sur les souliers chaque jour, alors rire, et saluer des inconnus qui boivent leur café, comme ce vieil homme-là, dans un coin, qui rêve de l’été.

Du silence qui rampe.
De voir ceux que tu aimes se courber sous la fièvre et sous leur peur à eux, que tu devines.

De la solitude aigre qui va dormir dans les prisons et dans les homes.

D’oublier la frontière où les enfants meurent de froid.

De la bêtise des gros hamsters humains qui dévalisent une boutique.

C’est tout. Ce n’est pas une grande peur. Et la peur, ce n’est pas comme la mort d’un vieillard, ça peut se prendre dans les mains. C’est l’enfant. Tu peux bercer la peur et l’apaiser. Tu peux y mettre de l'été, des cerises.

Il y a de la beauté dans tous les combats humains.

De la beauté, n'est-ce pas? Et la beauté, ça se choisit, parfois.

mardi 11 février 2020

                                  "Nous serons heureux" 

                                          collection La Traversée ( Weyrich )

- sélection du Prix Facile à Lire, en Bretagne - 




"La Traversée" a vu le jour en mai 2010. La création d’une collection de romans destinés aux adultes en alphabétisation. Cette collection, récompensée par le prix du projet social en 2015, m’a offert l’une de mes plus belles aventures littéraires. C’est une merveille dans sa conception, un pari réussi, exemplaire, un projet citoyen modèle auquel je suis honoré d’avoir participé. 

PUBLIC concerné
classes d'apprenants en français, ( alpha et fle ), ados en peine avec la lecture classique. 

extrait

          - Tu dois trouver un travail, dit Oumar.
          - Un travail ? C’est horrible !
          - Si tu veux, tu travailles pour moi. Je vais faire un autre cambriolage. Une petite banque, mais un grand cambriolage, mon frère ! Avec l’argent, tu pourras acheter les couches pour ton enfant pendant six ou sept ans.
          - Les couches, c’est pendant six ou sept ans ? demande Jean.
          - Je ne sais pas.
          Jean appelle la serveuse.
          - Une autre bière ! dit-il. Je vais être papa.
          - Félicitations, répond la serveuse.
          Elle le sert, puis se penche vers son oreille et dit :
          - Les couches, c’est fini vers l’âge de deux ans.
          - Oh, ça va ! crie-t-il en riant.
          Il boit sa bière et sourit. Mais, soudain, son visage devient sévère. Il regarde Oumar dans les yeux.
          - Je ne fais pas un deuxième cambriolage, mon pote ! Mon enfant ne dira pas à l’école : « Papa est en prison ! » Il dira : « Papa est un homme bien. »
          Oumar secoue la tête, Jean reste très sérieux.
          - Je vais être poète, dit-il.